Notre livre L'Âge des cénacles est sorti le 16 octobre 2013 chez Fayard
L'âge des cénacles. Confraternités littéraires et artistiques au XIXe siècle
Anthony Glinoer et Vincent Laisney
mardi 1 octobre 2013
dimanche 29 septembre 2013
Présentation du livre
Le mot « cénacle »
n’évoque plus aujourd’hui qu’un groupuscule d’initiés ourdissant quelque
complot. Il n’en allait pas de même au XIXe siècle où l’on
désignait par ce terme un petit cercle d’écrivains et d’artistes rassemblés
autour d’une figure charismatique, occupés à poser, à huis clos, les jalons de
l’Art de demain. Encensé par les uns et raillé par les autres, le cénacle offrait
une alternative aux tentations de la mondanité, de l’académisme, du mercantilisme
et du journalisme. Des soirées de Hugo aux Mardis de Mallarmé en passant par
les Samedis de Leconte de Lisle et le cercle des Nabis, il est devenu la
sociabilité de référence des écrivains et des artistes qui désiraient fonder un
mouvement. Après l’époque des « salons littéraires » et avant l’ère des
« groupes d’avant-garde », le XIXe siècle s’impose
comme « l’âge des cénacles ».
Elaboré à
partir d’un vaste corpus de correspondances, de journaux intimes, d’articles de
presse, de satires, de romans ou encore de poèmes, ce livre cerne les contours
du cénacle à la fois comme phénomène historique, objet sociologique et figure
de l’imaginaire. Au fil des pages, le lecteur croisera les grands noms de la
peinture et de la littérature françaises du XIXe siècle (Hugo, Stendhal,
Balzac, Courbet, Flaubert, Baudelaire, Manet, Zola, Verlaine, Mallarmé) et
s’immergera dans les mouvements littéraires et artistiques qui l’ont marqué
(romantisme, réalisme, Parnasse, naturalisme, impressionnisme, symbolisme).
En somme, à travers le prisme du cénacle, c’est tout le XIXe siècle que les auteurs éclairent d’un jour nouveau en montrant qu’il fut moins le siècle des génies solitaires que celui des grandes aventures collectives.
En somme, à travers le prisme du cénacle, c’est tout le XIXe siècle que les auteurs éclairent d’un jour nouveau en montrant qu’il fut moins le siècle des génies solitaires que celui des grandes aventures collectives.
samedi 28 septembre 2013
Les auteurs
Anthony Glinoer est professeur agrégé à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la
Chaire de recherche du Canada sur l’histoire de l’édition et la sociologie du
littéraire. Ses publications récentes comprennent : Imaginaires de la vie littéraire (P.U. Rennes, 2012, direction avec Björn-Olav Dozo
et Michel Lacroix), Bohème sans frontière (P.U. Rennes, 2010, direction avec Pascal
Brissette), La littérature frénétique
(P.U.F., 2009), La querelle de la camaraderie littéraire (Droz, 2008) et Naissance de l’Éditeur (Les impressions nouvelles, 2005, avec Pascal Durand). Il est
actuellement président de l’Association canadienne des études francophones du
XIXe siècle.
Vincent Laisney
est Maître de conférences à l’Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense.
Spécialiste du romantisme et des sociabilités littéraires, il est l’auteur de L’Arsenal romantique : le salon de Charles Nodier (1824-1834) (Champion, 2002),
et de nombreux articles sur la question des cénacles littéraires et
artistiques.
vendredi 30 août 2013
Les chefs de cénacles romantiques
mercredi 28 août 2013
Causeries de Cénacle
Le « parloir de Magny »
Nous sommes le 22 juin 1863.
Dix convives, et non des moindres, sont assis à la table du cabinet particulier
du restaurant Magny de la rue Contrescarpe, où le groupe se réunit tous les lundis
de quinzaine. Manquent seuls à l’appel Flaubert et Tourgueniev.
***
Liste des personnages:
Théophile Gautier, poète, romancier, chroniqueur
Hippolyte
Taine, historien
de la littérature
Edmond
de Goncourt, romancier
Paul
de Saint-Victor,
critique dramatique
Jules
de Goncourt, romancier
Charles-Augustin
Sainte-Beuve, poète,
critique littéraire
Eudore
Soulié, conservateur du château de Versailles
Ernest
Renan, historien
et philosophe
Auguste
Nefftzer, critique
(fondateur et directeur du Temps)
François
Veyne, médecin
(des artistes et des écrivains)
Charles-Edmond
[Chojecki], écrivain
et journaliste
Edmond
Scherer, critique
littéraire
Paul
Gavarni, dessinateur
et illustrateur
Gautier. – Les bourgeois ? Il
se passe des choses énormes chez les bourgeois. J’ai passé dans quelques
intérieurs, c’est à se voiler la face. La tribaderie est à l’état normal,
l’inceste en permanence et la bestialité…
Taine. – Moi, je connais des
bourgeois, je suis d’une famille bourgeoise… D’abord, qu’est-ce que vous
entendez par bourgeois ?
Gautier. – Des gens qui ont de
quinze à vingt mille livres de rente et qui sont oisifs.
Taine. – Eh bien, je vous citerai
quinze femmes de bourgeois que je connais, qui sont pures !
Edmond. – Qu’en savez-vous ?
Dieu lui-même l’ignore !
Taine. – Tenez, à Angers, les
femmes sont si surveillées qu’il n’y en a qu’une qui fasse parler d’elle.
Saint-Victor. – Angers ? Mais c’est
plein de pédérastes ! Les derniers procès…
Jules. – Ils ont effondré le
pont !
Sainte-Beuve. – Mme Sand va
faire quelque chose sur un fils de Rousseau, pendant la Révolution… [Les Mémoires
de Jean Paille] Ce sera tout ce qu’il y a de généreux dans la Révolution…
Elle est pleine de son sujet. Elle m’a écrit trois lettres, ces jours-ci… C’est
une organisation admirable.
Soulié. – Il y
a eu un vaudeville de Théaulon sur les enfants de Rousseau…
Renan. – Mme Sand, le
plus grand artiste de ce temps-ci et le plus vrai !
La table. – Oh !...
Ah !... Hi !...
Saint-Victor. – Est-ce curieux, elle
écrit sur du papier à lettres !
Edmond. – Elle restera… comme Mme
Cottin !
Renan. – Par vrai, je n’entends
pas le réalisme !
Sainte-Beuve. – Buvons… Je bois,
moi ! Allons, Scherer…
Taine. – Hugo ? Hugo n’est
pas sincère.
Saint-Victor. – Hugo !
Sainte-Beuve. – Comment, vous, Taine,
vous mettez de Musset au-dessus d’Hugo ! Mais Hugo, il fait des
livres !... Il leur a volé sous le nez, à ce gouvernement-ci, qui est
pourtant bien puissant, le plus grand succès de ce temps-ci… Il a pénétré
partout… Les femmes, le peuple, tout le monde l’a lu. Il s’épuise de huit
heures à midi… Moi, quand j’ai lu ses Odes
et Ballades, j’ai été lui porter tous mes vers… Les gens du Globe l’appelaient un barbare… Eh bien,
tout ce que j’ai fait, c’est lui qui me l’a fait faire. En dix ans, les gens du
Globe ne m’avaient rien appris.
Saint-Victor. – Nous descendons tous de
lui.
Taine. – Permettez ! Hugo est
dans ce temps-ci un immense événement, mais…
Sainte-Beuve. – Taine, ne parlez pas
d’Hugo ! Ne parlez pas de Mme Hugo ! [Le Victor Hugo
raconté par un témoin de sa vie était sorti le 18 juin, ce qui explique que
les hommes du Magny en parlent avec autant d’excitation.] Vous ne la connaissez
pas… Nous ne sommes que deux ici, Gautier et moi… Mais c’est magnifique !
Taine. – C’est que je crois que
maintenant, vous appelez poésie de peindre un clocher, un ciel, de faire voir
les choses. Ce n’est pas de la poésie, c’est de la peinture.
Saint-Victor. – Je la connais !
Gautier. – Taine, vous me semblez
donner dans l’idiotisme bourgeois à propos de la poésie, lui demander du
sentimentalisme ! La poésie, ce n’est pas ça. C’est une goutte de lumière
dans un diamant, des mots rayonnants, le rythme et la musique des mots. Ça ne
prouve rien, ça ne raconte rien, une goutte de lumière ! Ainsi le
commencement de Ratbert, il n’y a pas de poésie au monde comme cela, si
haute ! C’est le plateau de l’Himalaya… Toute l’Italie blasonnée est
là ! Et rien que des noms !
Nefftzer. – C’est qu’il y a une idée,
si c’est beau !
Gautier. – Toi, ne parle pas !
Tu t’es raccommodé avec le bon Dieu pour faire un journal, tu t’es remis dans
le vieux !
(La table rit.)
Taine. – Tenez, par exemple, la
femme anglaise…
Sainte-Beuve. – Oh ! la femme
française, il n’y a rien de plus charmant ! Une, deux, trois, quatre, cinq,
six femmes, c’est délicieux ! Elles ont une grâce, elles sont si
aimables !... Est-ce que notre amie est revenue ?... Et dire qu’au
moment du terme, on en a une masse de ravissantes pour rien, de ces
malheureuses-là ! Car le salaire des femmes… Voilà une chose à laquelle
jamais les gens comme Thiers ne penseront. Il faut renouveler l’État par là. Ce
sont des questions…
Veyne. – C’est-à-dire que s’il y
avait une Convention…
Saint-Victor. – Il n’y a pas moyen, pour
une femme, de vivre… La petite Chose, du Gymnase, avec quatre mille francs par
an, me disait hier…
Gautier. – La prostitution est
l’état ordinaire de la femme, je l’ai dit.
Jules. – Mais on veut donc tuer
tous les commerces de luxe !
Quelqu’un. – Alors nous revenons à
Malthus !
Charles-Edmond. – C’est une infamie,
Malthus !
Taine. – Mais il me semble qu’on
ne doit mettre au monde des enfants, que quand on est sûr de leur assurer… Des
filles qui partent pour être institutrices en Russie, c’est affreux !
Soulié. –
Comment ! C’est de la première immoralité ! Vous voulez limiter… Eh
bien, si les enfants meurent, ils meurent ; mais il faut en faire…
Une
voix. – Mouchez
la chandelle !
Une
autre voix. –
C’est de l’égoïsme !
Edmond. – Comment, de
l’égoïsme ? De ne pas décharger !
Charles-Edmond. – Oui !
Gautier. – Votre maîtresse est
stérile ?
Charles-Edmond. – Oui !
(Rires.)
Saint-Victor. – Mon Dieu, c’est la
nature, c’est le grand Pan !
Une
voix. – Et la
nature se venge, quand…
(Sainte-Beuve se pend des
cerises aux oreilles. On accroche la question de la propriété littéraire)
Gautier. – J’ai fait un si beau
discours à la commission, que j’ai manqué de faire passer le principe de la
rétroactivité.
Sainte-Beuve. – Comment ! Mais ça
n’a pas le sens commun ! D’abord, au fond, moi, je suis contre toute propriété.
Je vends tous les ans une petite propriété de volumes. Ça me sert à donner
quelques petites choses aux femmes… Aux étrennes, elles sont si gentilles,
qu’on ne peut pas…
(Le nom de Racine tombe
dans une assiette)
Nefftzer, à Gautier. – Toi, ce
matin, tu as fait une infamie. Tu as vanté ce matin, dans ton feuilleton du Moniteur,
le talent de Maubant et de Racine.
Gautier. – C’est vrai, Maubant est
plein de talent… J’ai demandé un décor… Mon ministre a l’idée idiote de croire
aux chefs-d’œuvre. Alors je rends compte d’Andromaque.
Au reste, Racine, qui faisait des vers comme un porc, je n’ai pas dit un mot
élogieux de cet être… On a lâché une nommée Agar dans ce genre de
divertissement…
(Gautier n’appelle plus
Sainte-Beuve que mon oncle ou l’oncle Beuve)
Scherer, épouvanté, regardant la
table du haut de son pince-nez. – Messieurs, je vous trouve d’une
intolérance… Vous procédez par voie d’exclusion… Enfin, à quoi donc
tâcher ? C’est à se réformer, à combattre ses opinions d’instinct. Le
goût, ce n’est rien, il n’y a que du jugement. Il faut du jugement…
Jules. – Du goût, au contraire, et
pas de jugement ! Le goût, c’est le tempérament.
Saint-Victor, timidement. – Moi,
j’avouerai que j’ai un faible pour Racine…
Edmond. – Eh ! bien, voilà ce
qui m’a toujours étonné. C’est qu’on aime en même temps la salade avec beaucoup
de vinaigre et avec beaucoup d’huile, Racine et Hugo.
(Brouhaha final)
Une
voix. - On ne
s’entend pas.
Gavarni. – On s’entend trop !
Exeunt.
mercredi 31 juillet 2013
Les chefs de Cénacles entre 1830 et 1860
samedi 27 juillet 2013
Cénacles parnassiens et naturalistes
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